Mon emploi du temps est si chargé
que, si je continue à me rendre au théâtre à un bon rythme, je ne trouve plus le temps de vous faire
partager mon avis. Je tombe d’épuisement. Mais le théâtre ne doit plus
attendre ! Alors avant qu’il ne soit trop tard, voici mon avis sur le Journal d’Anne Frank, que j’ai vu
mercredi.
Cela fait si longtemps que je
n’ai pas lu le Journal d’Anne Frank.
Je me suis rappelée mercredi combien ce livre, combien Anne Frank, avaient
marqué mon enfance. La pièce m’a semblé fidèle
à mes souvenirs, fidèle au regard d’Anne sur le monde qui l’entoure, un
regard gai, vivant, impulsif, jeune, et critique. Un regard absolument humain
et touchant.
Le parti pris du metteur en scène Steve Suissa est celui de la
simplicité, du réalisme, du respect du Journal
d’Anne Frank et de son esprit. Dans l’ensemble, cela m’a paru plutôt
réussi (alors qu’il est a priori difficile de mettre en scène l’histoire d’Anne
Frank, sans en faire quelque chose de mélodramatique, d’insoutenable ou
d’exagéré). Ce sont certains des moments les plus importants de la vie d’Anne
Frank qui se jouent devant nos yeux, tout simplement.
Dans la première scène, Otto Frank est seul dans une gare, portant
ce panneau : « Edith Margot Anne ». Un peu plus tard, ce-dernier,
assis en avant-scène dans son bureau, découvre
le journal de sa fille et décide, non sans hésitation, de l’ouvrir et de le
lire. Et à nouveau, sa fille, Anne, vit.
La scène s’éclaire alors, et derrière une toile tendue qui finira par se lever,
apparaissent les Frank et les Van Pels, confinés dans le petit appartement
d’Amsterdam où ils sont cachés.
On retrouve dans la pièce, en
plus du ton enjoué d’Anne Frank, cette
naïveté caractéristique du style d’Eric-Emmanuel Schmitt, qui s’est chargé
d’adapter le Journal pour la pièce.
Aussi surprenant que cela puisse paraître (même si restent toujours à l’esprit
le drame qui suivra et le destin de la famille Frank), le ton de la pièce est
léger. Les tranches de vie auxquelles on assiste nous sont soufflées, avec
délicatesse, un peu comme différents
tableaux qu’on regarderait avec une émotion tranquille.
Un peu trop tranquille en fait.
Le principal reproche que je ferais à cette mise en scène est sa trop grande
naïveté. La famille de Anne reste effacée, et peine à être vraiment là,
vibrante. Il me semble qu’il manque à la
pièce une petite étincelle, un déclic, un je-ne-sais-quoi d’énergie ou de
rythme. Du punch en somme ! L’ensemble est sage… et puis c’est déjà la
fin.
Certainement, cet effacement léger est surtout dû au jeu
des comédiens… qui luttent (à la nette exception de Charlotte Kady) pour exister aux côtés de Francis Huster.
C’est surtout pour lui que je voulais découvrir ce spectacle. J’avais déjà eu
l’occasion de le voir, puisque j’avais assisté à la trilogie de Marcel Pagnol,
où il interprétait (sans l’accent marseillais !) le rôle de Panisse.
Francis Huster a une présence et
une prestance indéniables (quelle voix !). Mais dans le rôle d’Otto Frank, il semblait presque en porte-à-faux.
J’ai trouvé son jeu trop théâtral (il paraissait parfois peu touché par la mort
de ses filles et de son épouse…), en tout cas trop écrasant par rapport aux
autres comédiens. Son charisme théâtral d’un côté, et de l’autre le jeu
sympathique des autres comédiens, leurs scènes plus légères… la pièce m’a paru
déséquilibrée.
Juste un petit mot sur Roxane Duràn, qui interprète Anne Frank.
Certains spectateurs lui ont reproché de ne pas parler assez fort, et c’est
vrai que sa voix est plutôt fluette. Je reconnais aussi qu’elle aurait pu
apporter plus de piquant à Anne. Mais j’ai été pleinement conquise par cette
jeune comédienne, au physique atypique, expressive, lumineuse, impertinente, et
gaie.
Du côté de la scénographie, l’environnement d’Anne Frank est très bien
reconstitué. Les meubles, son carnet à carreaux rouges et blancs, les
costumes, les couleurs, tout concourt à nous plonger dans les années 40. J’ai
aimé aussi les projections plus modernes, sur la toile tendue, qui donnent à
l’ensemble une belle esthétique.
La seule chose que je
reprocherais à la mise en scène, c’est cette alternance un peu rapide des
scènes où Otto est seul et celles des flash-back.
Bien que chaque scène soit introduite par des morceaux musicaux variés, parfaitement appropriés, on a le sentiment que la pièce est hachée.
La pauvre Alice Carel qui interprète Miep débite son texte trop vite, et
Francis Huster n’a même pas le temps de s’exprimer que déjà, ce n’est plus son
tour.
Je sais que j’ai beaucoup
critiqué la pièce. Mais je vous
encourage à aller la voir. Si la pièce souffre quelques faiblesses, elle a
au moins su trouver le ton juste. Le
Journal d’Anne Frank a le mérite d’être un spectacle sensible, intelligent, qui
rappelle pourquoi le journal a marqué des générations entières. Il rappelle
son humanité absolue.
Une pièce qui doit faire réfléchir... pas facile à porter à la scène...
RépondreSupprimerBonne soirée!
Merci pour votre commentaire. Oui, c'est difficile de porter un tel texte sur la scène, et je pense que globalement, c'était réussi, notamment grâce au bon travail d'adaptation d'Eric Emmanuel Schmitt. C'est par leur humanité que les personnages (les personnes) nous touchent.
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