dimanche 28 avril 2013

→ LES TROIS SOEURS - COMÉDIE FRANÇAISE

Je me suis promis d’écrire des articles un peu plus courts, même si je sais que je vais avoir du mal à ne pas dire tout ce que j’ai envie de dire. Mais après tout, c’est ça ou je n’écris plus, et c’est bien dommage d’aller aussi souvent au théâtre pour n’en faire profiter personne (par exemple, depuis septembre, je suis allée plus de dix fois à la Comédie française…).

Hier soir, j’ai retrouvé la Comédie française. Après Troïlus et Cressida, très appliqué mais qui m’avait laissée de marbre, et Phèdre (je maudis le metteur en scène pour avoir pu me faire croire que tout compte fait, les Comédiens français pouvaient bien être mauvais), quel plaisir j’ai pris devant Les Trois sœurs !

Sans doute, je ne suis pas très objective. J’ai toujours eu un faible pour la littérature russe. Que ce soit Tchekhov, Tolstoï, Dostoïevski ou Pouchkine, je me sens familière de la Russie du XIXème siècle. Il y a déjà deux ans, j’ai eu la chance de jouer Ce Fou de Platonov, et sans avoir davantage lu Tchekhov, je me suis immédiatement sentie proche de lui, de son écriture, de son histoire, et surtout, de son regard sur le monde.

J’avais manqué Les Trois sœurs il y a deux ans, et j’en avais été extrêmement déçue. Aussi, j’avais vraiment hâte d’enfin découvrir cette pièce… Et bien, la représentation d’hier soir était exactement ce que je m’étais imaginé ! C’était Tchekhov, sans surprise, et c’était formidable ! 

La mise en scène d’Alain Françon est très classique, les décors très beaux, sobres et réalistes (un intérieur très clair s’ouvrant sur une forêt de bouleaux, puis le même intérieur sombre où on entend le vent siffler dans la cheminée, et puis le jardin de la maison, perdue au milieu de la forêt et des étendues froides, presque hostiles). D’emblée je suis entrée dans la pièce, et sans doute la musique (morceaux de guitare, de violon) y est elle aussi pour quelque chose.

« La brutalité m’énerve, me vexe, je souffre du manque de finesse, de douceur, d’amabilité.
- […] Le Russe a une tendance naturelle à cultiver des idées élevées, mais pourquoi reste-il à un niveau si médiocre dans la vie ? »

Tout le cadre finalement s’efface, pour se mettre au service des mots de Tchekhov. Je me suis demandé si au bout du compte, si j’avais aimé la représentation, ce n’était pas tout simplement parce que la pièce en elle-même est merveilleuse (un peu comme Cyrano si vous voulez). Mais pour représenter Tchekhov, la simplicité n’est-elle pas finalement le meilleur choix ? Si vous des doutes, jetez un œil à la mise de scène de La Mouette par Arthur Nauzyciel au festival d’Avignon l’année dernière (je ne dis pas que ce n’est pas intéressant, mais est-ce Tchekhov ?).

La part belle est faite au texte des Trois sœurs, très beau, et bien-sûr aux comédiens, sans doute admirablement dirigés par Alain Françon. J’ai éprouvé énormément de plaisir hier, à suivre le destin de ces trois sœurs et de toute la société qui gravite autour d’elles. Il faut dire que les comédiens sont si remarquables, si sincères, qu’il est facile de les oublier, et de ne voir que leur personnage.

Comme d’habitude, j’ai adoré Georgia Scalliet. Je reconnais qu’elle joue toujours de la même façon. Mais cela n’empêche : dans tous ses rôles elle apporte un mélange de grâce, de légèreté, de délicatesse, de sensibilité et de gravité que personne d’autre ne pourrait apporter. Son rire est merveilleux ! Elle interprète Irina avec une grâce incroyable ! Il semblerait d’ailleurs que ce soit Alain Françon qui ait vaincu les réticences de Muriel Mayette et permis à Georgia Scalliet d’entrer à la Comédie française, précisément pour interpréter ce rôle (qui lui a valu le Molière du jeune talent en 2011).

« Je n'ai jamais connu l'amour. Oh ! j'en ai tellement rêvé, depuis si longtemps ! Mais mon cœur est comme un piano précieux fermé à double tour, dont on aurait perdu la clé ».

Les autres comédiens sont fabuleux eux-aussi (décidément, quel contraste avec Phèdre !). Elsa Lepoivre donne toute sa dimension au personnage douloureux et passionné de Macha, et Florence Viala est touchante, tant elle semble triste, presque éteinte (elle qui jouait Lucette Gauthier, du Fil à la Patte avec tant d’énergie !).

Je voudrais tous les citer : Michel Vuillermoz, Gilles David qui attire la compassion, Stéphane Varupenne timide et réservé puis amer, et Coraly Zahonero (Natacha, quel personnage haïssable…). Un petit mot en particulier pour Eric Ruf, qui interprète Salioni, avec un charisme incroyable. Je n’ai jamais été folle de ce comédien, mais je dois dire qu’il a une présence impressionnante… et terrifiante dans le rôle de ce major violemment épris d’Irina (c’est curieux d’écrire « violemment épris » mais c’est vraiment ça).

Les personnages discutent beaucoup dans Les Trois sœurs, ils parlent de l’avenir, se questionnent sur le sens de la vie, sur le bonheur... La pièce entière est une constante oscillation entre la mélancolie, le désespoir, le découragement, et l’acharnement à vivre, les plaisanteries bon-enfants et les rires forcés. La pièce est triste, amère, poignante même, et pourtant les personnages vivent. J’imagine que c’est ce qu’on appelle l’âme russe, ce je ne sais quoi que je retrouve toujours dans les œuvres russes.

Les Trois sœurs fait maintenant partie de ces pièces qui m’auront apaisée. Je suis passée par tellement d’émotions hier soir, toujours teintées de douceur cependant, que je me suis sentie plus calme, plus tranquille. C’est finalement presque la même impression que m’avait faite La Trilogie de la Villégiature, aussi mise en scène à la Comédie française par Alain Françon.

Il y a tellement de simplicité, d’intelligence, de sincérité dans cette mise en scène, que certainement elle restera longtemps comme un de mes meilleurs souvenirs à la Comédie française.

« Oh, mes sœurs chéries, notre vie n’est pas encore terminée. Il faut vivre ! La musique est si gaie, si joyeuse ! Un peu de temps encore, et nous saurons pourquoi cette vie, pourquoi ces souffrances… Si l’on savait ! Si l’on savait ! »

vendredi 26 avril 2013

→ ANNWVYN SE MET AU THEATRE !

Voilà un petit bout de temps que j’y pensais… Je vous souhaite la bienvenue sur mon nouveau blog, Sur les planches, qui devrait en principe être exclusivement consacré au théâtre. Sur les planches n’est pas un titre très original, j’en conviens, mais il a au moins le mérite d’être clair.

Avant ce billet introductif, vous retrouverez tous les articles en rapport avec le théâtre, écrits sur Annwvyn's factory et apparaissant à leur date originale d’écriture. Ceci étant, c’est bien aujourd’hui que la vie de ce blog commence !

Je n’ai pas la chance d’avoir fait du théâtre le centre de mon existence, et j’achève des études qui n’ont rien à voir (mais alors rien à voir avec les arts de la scène). Je n’ai pas non plus la prétention d’être une comédienne (même si je fais partie d’une petite troupe d’amateurs), et je ne me fais pas d’illusions sur la qualité (ou la sincérité ?) de mon jeu. 

En fait, je ne sais finalement pas grand-chose du théâtre, qu’il s’agisse du nom des grands metteurs en scène, ou du travail sur lui-même qu’un comédien peut faire. Et curieusement, alors que je suis continuellement en train de me poser des questions, je ne me suis jamais réellement interrogée sur le rôle que peut (ou doit ?) jouer le théâtre. Aussi, je demande à mes lecteurs d’être indulgents. Je sais que j’ai encore beaucoup à apprendre.

Je n’ai découvert le théâtre que tardivement, et s’il m’a toujours intéressée, j’avais d’autres choses en tête pour y penser pour de bon. Ce qui a changé les choses, c’est ce partenariat que j’ai pu monter entre l’association de ma filière à l’université et… la Comédie française. Si d’aventure, mon interlocutrice du Français passait sur ces pages (et me reconnaissait !), j’aimerais lui redire toute ma reconnaissance.

Vous vous en rendrez vite compte, sur ce blog, je parlerai beaucoup de la Comédie française. N’y voyez là aucune étroitesse d’esprit. Je suis prête à m’intéresser à tout ce qu’on me proposera. Mais j’ai commencé ma découverte du théâtre avec la Comédie française et sa troupe, et je ne peux plus m’en passer ! Je n’ai pas encore pris le temps de m’intéresser à la programmation de tous les autres théâtres de Paris (j’ignore d’ailleurs où trouver les informations dont j’aurais besoin) mais bien-sûr ça viendra.

Sur les planches est donc un petit blog, sans prétention, qui n’aura qu’un seul objet : vous faire partager mon enthousiasme ! J’aime aller au théâtre, j’aime aussi jouer, notamment parce que quand je joue, je sors de moi-même et c’est reposant. Et j’adore plus que tout applaudir une troupe qui m’a éblouie, la remercier pour tout ce qu’elle m’a apporté.

Je veux vous raconter ici les pièces que je vais voir, celles que je lis, ou vous parler des comédiens que j’admire. J’espère que ce blog répondra à vos attentes, que vous n’hésiterez pas à venir partager votre avis, et à me suggérer de nouvelles découvertes théâtrales.  A très bientôt sur ces pages !