samedi 22 février 2014

→ « BON VOYAGE, DONC, A CEUX QUI PARTENT ET BON SEJOUR QUAND MÊME A CEUX QUI RESTENT ! », Goldoni, La Trilogie de la Villégiature

Chers lecteurs, amis, promeneurs égarés, je reviens sur ces pages pour vous faire part d’une décision que j’ai prise. A partir de ce jour, Sur les planches cesse son activité. J’ignore si ce sera temporaire ou définitif, l’avenir nous le dira.

Après quatre ans de bons et loyaux services, depuis Annwvyn’s factory jusqu’à Sur les planches, j’ai voulu vous faire partager ma passion, mes découvertes cinématographiques, télévisuelles, et théâtrales. J’espère avoir réussi à vous communiquer mon enthousiasme, et je suis ravie d’avoir pu échanger avec vous. Je remercie tous ceux qui un jour sont passés par ici pour me lire, ou me laisser un commentaire. 

Arrive un moment où je ne parviens plus à tout faire. Entre mes cours, mon travail, mes sorties au théâtre, mes cours de théâtre, je ne tiens plus, physiquement et nerveusement. J’ai adoré vous faire partager mes plus belles découvertes, et j’aurais encore beaucoup d’articles à écrire. Mais mon blog, ainsi que mon diable de perfectionnisme (trouver le mot juste, tout connaître, être lue, écrire l’article le plus sincère possible…) ont achevé de me prendre beaucoup de temps, et de m’épuiser.
J’ai donc choisi de mettre Sur les planches entre parenthèses. J’aimerais en profiter pour apprécier avec plus de tranquillité toutes les pièces que j’irai voir. Cela ne m’empêchera pas de suivre ceux d’entre vous qui ont des blogs, et de venir prendre de leurs nouvelles de temps à autre. Mais je compte aussi laisser twitter de côté, bien trop chronophage. Je vous laisse également mon adresse e-mail annwvynsurlesplances@gmail.com, si certains souhaitaient me contacter.

Pour tout dire, je pense aussi aller un petit moins au théâtre. J’aime le théâtre (évidemment !). Quand j’assiste à une pièce, j’ai l’impression de toucher l’essentiel. On dit que le théâtre n’est pas la "vraie vie". Je suis persuadée du contraire. C’est dans le théâtre, et dans l’art en général, qu’on en est le plus proche. C’est là qu’on touche l’humanité de plus près.

Seulement, j’aime aussi beaucoup d’autres choses. Je veux reprendre la lecture, et le dessin notamment. Et puis il y a ce projet qui me tient à cœur, l’écriture d’un roman que j’ai à l’esprit depuis bien longtemps. J’ai besoin de détachement, de temps, de repos, de sérénité, pour retrouver le plaisir d’écrire, et me sentir libre d’écrire ce dont j’ai envie. Je veux aujourd’hui retrouver tout le plaisir tranquille que je ressentais quand j’étais plus jeune. Je veux pouvoir me détendre, me ressourcer, laisser mon esprit vagabonder, s’enrichir, librement.

A tous, je vous dis donc au revoir ! Nul doute qu’on se croisera par-ci, par-là sur la toile. Je vous souhaite à tous et bien sincèrement une bonne continuation, et beaucoup beaucoup de joie au théâtre !

samedi 8 février 2014

→ LE SONGE D'UNE NUIT D'ÉTÉ - COMÉDIE FRANÇAISE

Voilà deux jours que je suis allée voir la répétition générale du Songe d’une nuit d’été, mis en scène par Muriel Mayette à la Comédie française. Les circonstances étaient exceptionnelles, et j’ai éprouvé un plaisir intense à assister à ce spectacle en avant-première. Mais je réalise aujourd’hui avec effarement que je n’ai en réalité rien à dire sur la pièce que j’ai vue, et qu’elle ne me laissera presque aucun souvenir…

J’avais déjà eu la chance immense d’assister à une répétition générale il y a quelques années. C’était pour Un Fil à la patte, et je m’étais retrouvée dans la salle Richelieu presque vide, avec pour unique compagnie le metteur en scène Jérôme Deschamps. Les comédiens étaient encore tendus à l’époque… bien inconscients du succès que la pièce aurait par la suite. Nous avons ri les premiers, applaudi les premiers, et, croyez-moi, c’est un souvenir magique que je garderai encore longtemps !
Jeudi l’ambiance était un peu différente. Entrée par les couloirs de l’administration, armée de photographes au beau milieu de l’orchestre, public un petit peu plus nombreux (essentiellement des scolaires… les veinards !), et introduction de la pièce par Muriel Mayette en personne, assez fébrile, ses cheveux roux en bataille, le ton mi-évaporé, mi-agacé, mais heureuse tout de même de nous trouver là. L’administratrice de la Comédie française nous a demandé d’être un public "normal", de nous comporter comme si de rien n’était, et de laisser les comédiens travailler et évoluer au milieu de nous…

Dès que la pièce a commencé, ses mots ont pris du sens. Et c’est certainement ici le seul élément de mise en scène que j’ai trouvé, à défaut d’être original, du moins véritablement sympathique et intéressant. Si les dernières répétitions ont été ouvertes au public, c’est qu’en réalité, le metteur en scène et les comédiens avaient besoin de lui.

Assise au deuxième rang, j’ai eu la surprise de voir arriver Michel Vuillermoz et Julie Sicard. Ainsi que des spectateurs qui seraient en retard, ceux-ci ont dérangé ma rangée, bavardant avec chacun d’entre nous, le temps de gagner leurs places tout à côté de moi. Autant dire que je n’avais jamais vu les deux comédiens d’aussi près… j’étais presque dans les bras de Michel Vuillermoz (qui a d’ailleurs embrassé ma voisine !).

Leur manège s’est reproduit à plusieurs reprises, et rien qu’à l’idée d’avoir échangé quelques mots avec eux (des mots anodins « Je vais bien merci. Je vous souhaite une bonne soirée. Tout à fait d’accord avec vous », une amie qui m’accompagnait m’a dit que j’étais devenue très rouge), j’ai envie de hurler de joie (rendez vous compte, j’ai presque fait de l’improvisation avec Michel Vuillermoz ! Voilà qui est fou !).

Il y a dans le Songe d’une nuit d’été des scènes de théâtre dans le théâtre. Thésée, Hippolyta, et tous les jeunes gens, passent d’un instant à l’autre du côté des acteurs à celui des spectateurs. Et puis il y a aussi cette oscillation, cette frontière entre rêve et réalité, sur laquelle Muriel Mayette a souhaité insister. Thésée fait partie de notre réalité, comme nous il n’appartient pas à ce monde féerique, imaginaire, onirique. Avoir les comédiens à côté de nous, c’était renverser brusquement la perspective. Ça se prêtait parfaitement à la pièce, créait une forte complicité entre les comédiens et le public, en plus d’être hautement plaisant et intelligent.
C’est ici que s’arrête mon enthousiasme. La pièce tombe ensuite dans une routine sans originalité et sans caractère, dont j’ai déjà du mal à me souvenir.

J’écris rarement des critiques négatives. Je ne suis pas une professionnelle, et je garde à l’esprit qu’il est assez impudent de juger le travail des autres sans en connaître toute la teneur. Mais surtout, je n’ai jamais vraiment détesté un spectacle. Le plus généralement, si je n’aime pas une pièce, c’est qu’elle m’aura laissée indifférente. Et puisque je cherche avant tout à transmettre mon ressenti, il m’est quasiment impossible d’écrire dans ces cas-là. Comment mettre des mots sur l’indifférence ?

Mise en scène par Muriel Mayette, je n’ai vu qu’Andromaque. La scène épurée, de grandes colonnes, les costumes vaporeux mais sobres des comédiens, il s’agissait de mettre l’accent sur le texte, « le cœur brûlant et les lèvres glacées » disait Cécile Brune. Pour le Songe d’une nuit d’été, l’administratrice récidive, reconnaissant aimer les mises en scène dépouillées, pour mettre le texte et le jeu des comédiens à l’honneur. Nous voici donc repartis pour une scène presque sans décor, si ce n’est cette toile plastique blanche, vaguement éclairée, qui recouvre le fond et le sol, et ces longues colonnes blanches, souples cette fois-ci.

Cela se comprenait pour Andromaque, d’autant que les comédiens (Léonie Simaga en tête, moins Cécile Brune) brûlaient intérieurement et vivaient littéralement le texte de Racine. Pour le Songe, c’est différent. Le Songe est une pièce éclectique, atypique, riche de ses personnages, envoûtante, surprenante. Le metteur en scène peut en faire ce qu’il veut, construire un univers, parler de ce qui lui fait plaisir, raconter comme il l’entend… En choisissant encore de tout laisser reposer sur les épaules des comédiens, je ne peux m’empêcher de penser que Muriel Mayette a choisi là une magnifique solution de facilité.

Si encore j’avais ressenti quelque chose ! Mais Muriel Mayette, alors qu’elle souhaitait vraiment dissocier la réalité du songe, ne parvient pas à traduire sur scène l’onirisme, la féérie du monde des rêves. Sa mise en scène souffre très nettement de la comparaison avec le Psyché de Véronique Vella. Là où Véronique Vella avait construit, presque de bric et de broc, un espace immensément évocateur, le Songe ne nous fait absolument pas voyager.
La musique, les costumes, sont censés nous faire entrevoir un espace troublant, faisant profondément appel à notre inconscient… Je suis restée de marbre. Les costumes sont inspirés de Jérôme Bosch, et se veulent rappeler la sexualité animale. Mais ils n’apportent rien de plus qu’un peu de bouffonnerie. Comment ne pas penser à l’Après-midi d’un faune, que j’ai vu l’année dernière à l’opéra Garnier, dans la chorégraphie de Nijinski et les costumes de Léon Bakst ? Là, il y avait une sexualité, une animalité diablement plus troublantes. Les comédiens du français ne sont pas des danseurs, et si on devine le travail qui a été fait sur les corps, aucune sensualité ne transparaît, tout ceci reste vaguement gentillet.

Coïncidence étonnante d’ailleurs. L’Après-midi d’un faune était également représenté l’année dernière dans la chorégraphie de Robbins… sur un fond clair, vaguement lumineux et dans des tenues légères… soit presque exactement le décor du Songe d’une nuit d’été et les costumes de nos deux couples, Lysandre et Hermia, Demetrius et Helena ! Mais là encore, la danse était beaucoup plus évocatrice, plus puissante.

Que dire de plus ? Au milieu de cet espace blanc, sans caractère, se trouvent les comédiens. A quelques exceptions près, je les ai trouvés assez transparents. Les deux couples sont vêtus légèrement, soie ou satin rappelant des nuisettes (évidemment puisqu’ils voyagent dans le monde des rêves… !) et ils vont de-ci de-là, Suliane Brahim et Adeline d’Hermy grimaçantes, et Sébastien Pouderoux (décidément, lui, je ne l’aime pas) et Laurent Lafitte (après le Système Ribadier, où déjà je ne l’avais pas trouvé à la hauteur) parfaitement insignifiants.

On voit bien peu Julie Sicard et Michel Vuillermoz. Martine Chevallier n’apporte pas la moindre flamboyance à Titania. Christian Hecq (Obéron) et Louis Arène (Puck), parviennent à trouver le ton juste, entre l’exagération, l’humour, et l’intelligence. Mais c’est vraiment la troupe des comédiens, menée par Stéphane Varupenne et Jérémy Lopez (excellent Bottom) qui survole l’ensemble. Pierre Hancisse et Benjamin Lavernhe, accompagnés des élèves comédiens, complètent la troupe. Ils font preuve d’une autodérision épatante, et parviennent à donner par instants le rythme et l’humour qui manque à la pièce.
Soyons clairs. Je n’ai rien de particulier contre Muriel Mayette. J’ai suivi les derniers événements de loin, mais cela n’a en rien influencé mon jugement. Seulement, après avoir vu ce Songe d’une nuit d’été, je me suis souvenu que certains reprochaient à l’administratrice son manque d’ambition artistique… Eh bien je dois dire, qu’entre ces costumes de nuit, ces allées-et-venues sautillantes, ces tentatives de danses sensuelles, ces grimaces convenues, cette scène absolument vide, je crains que ce ne soit exactement ça : un manque d’ambition.

Je garde aussi à l'esprit qu'il s'agissait d'une répétition générale. Peut-être ce lien qui doit se tisser entre les comédiens et le public prendra-t-il seulement corps ce soir, lors de la première ? J'ai prévu d'aller revoir la pièce, ce qui me permettra d'ailleurs d'applaudir les comédiens qui ne sont pas venus nous saluer jeudi.