« Les Tréteaux conjuguent formation, éducation populaire et création. Un outil formidable pour aller à la rencontre des citoyens et inventer avec eux. Je ne me considère pas comme un phare du théâtre qui va
apporter sa lumière, mais comme un passeur contribuant à la reconstruction de
territoires culturellement défavorisés. » (Robin Renucci, interview
pour Télérama, 12 octobre 2013)
Dimanche dernier, je suis allée au
théâtre Jean Vilar, à Suresnes, pour assister à la représentation de L’Ecole des femmes mise en scène par Christian
Schiaretti. Cette Ecole des femmes
est née d’un nouveau partenariat entre le TNP de Villeurbane et les Tréteaux de
France, après Ruy Blas la saison
dernière. J’ai apprécié ce spectacle,
bien que sa mise en scène très « moliéresque » ne m’ait pas
pleinement conquise.
Si j’aime beaucoup l’Ecole des femmes, ce n’est pas ce qui
m’a décidée. J’avais surtout une envie
folle d’enfin voir sur les planches un comédien que j’admire : Robin
Renucci. Ajoutez à cela le nom du directeur du TNP de Villeurbane,
Christian Schiaretti, et les troupes du TNP et des Tréteaux de France dont je
souhaitais vivement faire la connaissance… je ne pouvais en aucun cas manquer
la pièce !
Robin Renucci est certainement un acteur connu, mais pour ma part, je
ne l’ai découvert que récemment dans l’excellente (jamais je n’en ferai
assez la promotion !) série de France 3 Un Village Français. Il y interprète, avec beaucoup de profondeur
et de nuances, le personnage de Daniel Larcher, très beau personnage, homme de
compromis, ni résistant ni collaborateur, profondément humain.
Plus encore que son jeu d’acteur,
ce qui me touche chez ce comédien, c’est
son engagement. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt plusieurs de ses interviews
(notamment son interview pour Télérama,
en date du 12 octobre 2013, que je vous encourage à lire).
Comme je l’ai dit quand j’ai créé
ce blog, je me pose assez peu de questions sur le rôle que peut ou doit jouer
le théâtre. L’essentiel pour moi est d’y trouver du plaisir, et de découvrir de
nouveaux horizons. Ceci étant, quand je
lis comment Robin Renucci conçoit son travail de comédien et de directeur de la
troupe des Tréteaux de France, je ne peux m’empêcher d’être tout à fait
d’accord avec lui, et d’approuver sans réserve sa manière de voir les choses. Sa conception du théâtre est
passionnante, enthousiasmante même ! Elle n’est pas sans rappeler ce théâtre populaire et intelligent que défendaient
Jean Vilar et Gérard Philipe.
« Mes
rôles n'ont pour moi de sens que s'ils s'adressent véritablement au public. […]
Quand vous redonnez vraiment la parole aux gens, ils la prennent ! C'est une
belle tâche de créer du lien. Je n'aime pas la dimension providentielle,
presque sacralisée, que l'on prête souvent aux artistes : ils ne sont pas les
seuls détenteurs de l'imaginaire ! […] A mon tour je veux donner aux autres ce
que j'ai reçu. Pour permettre à chacun de trouver sa piste d'envol. » (Robin
Renucci, interview pour Télérama, 12 octobre 2013)
C’est cet engagement qu’on retrouve dans la mission que s’assignent les
Tréteaux de France. La troupe des Tréteaux n’a pas de théâtre
affecté : elle voyage à travers la France pour porter la parole des grands
auteurs, pour aller à la rencontre du public, et pour aller toucher des
personnes qui n’auraient pas forcément l’idée ou les moyens d’aller au théâtre
par ailleurs.
Comme on peut le lire sur le site des Tréteaux : « les Tréteaux
de France poursuivent leur mission de Centre dramatique national itinérant et
confirment leur volonté de conjuguer la création, la transmission et la
formation, sous la bannière de l’éducation populaire. […] nous poursuivons en
compagnie de Molière notre engagement contre toute forme d’emprise et de
manipulation. »
Parlons de la pièce à présent !
Je n’ai pas grand-chose à dire. Je ne suis pas folle de Molière (la faute sans
doute à tout ce travail scolaire que je lui ai consacré au collège !). Aussi, la mise en scène assez classique, très
« moliéresque » comme je l’ai dit, très légèrement osée (à plusieurs
reprises, on insiste sur le désir sexuel que peuvent ressentir Arnolphe et
Horace), ne me laissera pas un souvenir
impérissable.
Quelque part, je m’en doutais. Je garde gravée dans mon esprit la mise en
scène de Jacques Lassalle pour la Comédie française, tragique, déchirante,
emportée par l’immense talent de Thierry Hancisse. Je savais bien que revenir à
une interprétation plus traditionnelle, plus proche sans doute de ce que
Molière aurait souhaité, c’était abandonner une part de cette modernité, cette
pureté, cette dureté, que j’avais adorée au Français.
Il reste que dans ce registre
plus comique, les comédiens sont
remarquables. Il est difficile de trouver le ton juste, entre les thèmes
graves qui sont abordés et les péripéties un peu burlesques qui s’enchainent,
mais la troupe y parvient sans peine, avec une bonne unité. Robin Renucci est un barbon excellent,
grimaçant et secoué de tressaillements continuels, tout de même un peu
horripilant à la longue. Face à lui, avec sa belle voix grave, Jeanne Cohendy campe une Agnès surprenante,
vraiment gauche, presque bête.
Les décors sont beaux dans leur
simplicité : un paravent sur lequel est naïvement dessinée une maison, des
lampadaires, presque des lampions, dont la luminosité varie et marque ainsi le
passage du temps et des scènes… C’est un décor assez joli qui, parce qu’il
doit être monté et démonté régulièrement, de théâtre en théâtre et même en
places publiques, se concentre sur l’essentiel.
Sa poésie et sa sobriété laissent toute
la place à l’imagination. On se voit nous aussi partir avec la troupe sur
les routes de France.
J’ai hésité avant d’écrire cet
article (c’est toujours difficile d’écrire sur une pièce qui ne vous a pas
particulièrement marqué), mais il m’a semblé important de le faire, pour parler de l'engagement des Tréteaux de France et du TNP. Le théâtre
comme vecteur d’ouverture d’esprit, d’incitation à la réflexion, comme prise de
recul par rapport à notre société consumériste voire abêtissante, et comme
outil pédagogique fondé sur des textes magnifiques, je dis oui ! « Nous portons, pour moi le mot « national »,
pour Robin le mot « de France », dans nos sigles, c’est une responsabilité,
d’une certaine façon celle de rassembler une communauté autour de la langue de
poètes » (Christian Schiaretti).
La pièce est en ce moment en
tournée à travers la France, mais elle rejoindra ensuite les planches du TNP de
Villeurbane. Je n’ai pas été très sensible à cette pièce, mais si vous aimez sincèrement Molière, n’hésitez
pas, je pense que vous ne serez pas déçus.