dimanche 17 novembre 2013

→ L'ECOLE DES FEMMES - MISE EN SCENE DE CHRISTIAN SCHIARETTI

« Les Tréteaux conjuguent formation, éducation populaire et création. Un outil formidable pour aller à la rencontre des citoyens et inventer avec eux. Je ne me considère pas comme un phare du théâtre qui va apporter sa lumière, mais comme un passeur contribuant à la reconstruction de territoires culturellement défavorisés. » (Robin Renucci, interview pour Télérama, 12 octobre 2013)
Dimanche dernier, je suis allée au théâtre Jean Vilar, à Suresnes, pour assister à la représentation de L’Ecole des femmes mise en scène par Christian Schiaretti. Cette Ecole des femmes est née d’un nouveau partenariat entre le TNP de Villeurbane et les Tréteaux de France, après Ruy Blas la saison dernière. J’ai apprécié ce spectacle, bien que sa mise en scène très « moliéresque » ne m’ait pas pleinement conquise.

Si j’aime beaucoup l’Ecole des femmes, ce n’est pas ce qui m’a décidée. J’avais surtout une envie folle d’enfin voir sur les planches un comédien que j’admire : Robin Renucci. Ajoutez à cela le nom du directeur du TNP de Villeurbane, Christian Schiaretti, et les troupes du TNP et des Tréteaux de France dont je souhaitais vivement faire la connaissance… je ne pouvais en aucun cas manquer la pièce !

Robin Renucci est certainement un acteur connu, mais pour ma part, je ne l’ai découvert que récemment dans l’excellente (jamais je n’en ferai assez la promotion !) série de France 3 Un Village Français. Il y interprète, avec beaucoup de profondeur et de nuances, le personnage de Daniel Larcher, très beau personnage, homme de compromis, ni résistant ni collaborateur, profondément humain.

Plus encore que son jeu d’acteur, ce qui me touche chez ce comédien, c’est son engagement. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt plusieurs de ses interviews (notamment son interview pour Télérama, en date du 12 octobre 2013, que je vous encourage à lire).
Comme je l’ai dit quand j’ai créé ce blog, je me pose assez peu de questions sur le rôle que peut ou doit jouer le théâtre. L’essentiel pour moi est d’y trouver du plaisir, et de découvrir de nouveaux horizons. Ceci étant, quand je lis comment Robin Renucci conçoit son travail de comédien et de directeur de la troupe des Tréteaux de France, je ne peux m’empêcher d’être tout à fait d’accord avec lui, et d’approuver sans réserve sa manière de voir les choses. Sa conception du théâtre est passionnante, enthousiasmante même ! Elle n’est pas sans rappeler ce théâtre populaire et intelligent que défendaient Jean Vilar et Gérard Philipe.

« Mes rôles n'ont pour moi de sens que s'ils s'adressent véritablement au public. […] Quand vous redonnez vraiment la parole aux gens, ils la prennent ! C'est une belle tâche de créer du lien. Je n'aime pas la dimension providentielle, presque sacralisée, que l'on prête souvent aux artistes : ils ne sont pas les seuls détenteurs de l'imaginaire ! […] A mon tour je veux donner aux autres ce que j'ai reçu. Pour permettre à chacun de trouver sa piste d'envol. » (Robin Renucci, interview pour Télérama, 12 octobre 2013)

C’est cet engagement qu’on retrouve dans la mission que s’assignent les Tréteaux de France. La troupe des Tréteaux n’a pas de théâtre affecté : elle voyage à travers la France pour porter la parole des grands auteurs, pour aller à la rencontre du public, et pour aller toucher des personnes qui n’auraient pas forcément l’idée ou les moyens d’aller au théâtre par ailleurs.

Comme on peut le lire sur le site des Tréteaux : « les Tréteaux de France poursuivent leur mission de Centre dramatique national itinérant et confirment leur volonté de conjuguer la création, la transmission et la formation, sous la bannière de l’éducation populaire. […] nous poursuivons en compagnie de Molière notre engagement contre toute forme d’emprise et de manipulation. »
Parlons de la pièce à présent ! Je n’ai pas grand-chose à dire. Je ne suis pas folle de Molière (la faute sans doute à tout ce travail scolaire que je lui ai consacré au collège !). Aussi, la mise en scène assez classique, très « moliéresque » comme je l’ai dit, très légèrement osée (à plusieurs reprises, on insiste sur le désir sexuel que peuvent ressentir Arnolphe et Horace), ne me laissera pas un souvenir impérissable.

Quelque part, je m’en doutais. Je garde gravée dans mon esprit la mise en scène de Jacques Lassalle pour la Comédie française, tragique, déchirante, emportée par l’immense talent de Thierry Hancisse. Je savais bien que revenir à une interprétation plus traditionnelle, plus proche sans doute de ce que Molière aurait souhaité, c’était abandonner une part de cette modernité, cette pureté, cette dureté, que j’avais adorée au Français.

Il reste que dans ce registre plus comique, les comédiens sont remarquables. Il est difficile de trouver le ton juste, entre les thèmes graves qui sont abordés et les péripéties un peu burlesques qui s’enchainent, mais la troupe y parvient sans peine, avec une bonne unité. Robin Renucci est un barbon excellent, grimaçant et secoué de tressaillements continuels, tout de même un peu horripilant à la longue. Face à lui, avec sa belle voix grave, Jeanne Cohendy campe une Agnès surprenante, vraiment gauche, presque bête.

Les décors sont beaux dans leur simplicité : un paravent sur lequel est naïvement dessinée une maison, des lampadaires, presque des lampions, dont la luminosité varie et marque ainsi le passage du temps et des scènes…  C’est un décor assez joli qui, parce qu’il doit être monté et démonté régulièrement, de théâtre en théâtre et même en places publiques, se concentre sur l’essentiel. Sa poésie et sa sobriété laissent toute la place à l’imagination. On se voit nous aussi partir avec la troupe sur les routes de France.
J’ai hésité avant d’écrire cet article (c’est toujours difficile d’écrire sur une pièce qui ne vous a pas particulièrement marqué), mais il m’a semblé important de le faire, pour parler de l'engagement des Tréteaux de France et du TNP. Le théâtre comme vecteur d’ouverture d’esprit, d’incitation à la réflexion, comme prise de recul par rapport à notre société consumériste voire abêtissante, et comme outil pédagogique fondé sur des textes magnifiques, je dis oui ! « Nous portons, pour moi le mot « national », pour Robin le mot « de France », dans nos sigles, c’est une responsabilité, d’une certaine façon celle de rassembler une communauté autour de la langue de poètes » (Christian Schiaretti).

La pièce est en ce moment en tournée à travers la France, mais elle rejoindra ensuite les planches du TNP de Villeurbane. Je n’ai pas été très sensible à cette pièce, mais si vous aimez sincèrement Molière, n’hésitez pas, je pense que vous ne serez pas déçus.

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