dimanche 15 décembre 2013

→ LE JOURNAL D'ANNE FRANK - MISE EN SCENE DE STEVE SUISSA

Mon emploi du temps est si chargé que, si je continue à me rendre au théâtre à un bon rythme, je ne trouve plus le temps de vous faire partager mon avis. Je tombe d’épuisement. Mais le théâtre ne doit plus attendre ! Alors avant qu’il ne soit trop tard, voici mon avis sur le Journal d’Anne Frank, que j’ai vu mercredi.
Cela fait si longtemps que je n’ai pas lu le Journal d’Anne Frank. Je me suis rappelée mercredi combien ce livre, combien Anne Frank, avaient marqué mon enfance. La pièce m’a semblé fidèle à mes souvenirs, fidèle au regard d’Anne sur le monde qui l’entoure, un regard gai, vivant, impulsif, jeune, et critique. Un regard absolument humain et touchant.

Le parti pris du metteur en scène Steve Suissa est celui de la simplicité, du réalisme, du respect du Journal d’Anne Frank et de son esprit. Dans l’ensemble, cela m’a paru plutôt réussi (alors qu’il est a priori difficile de mettre en scène l’histoire d’Anne Frank, sans en faire quelque chose de mélodramatique, d’insoutenable ou d’exagéré). Ce sont certains des moments les plus importants de la vie d’Anne Frank qui se jouent devant nos yeux, tout simplement.

Dans la première scène, Otto Frank est seul dans une gare, portant ce panneau : « Edith Margot Anne ». Un peu plus tard, ce-dernier, assis en avant-scène dans son bureau, découvre le journal de sa fille et décide, non sans hésitation, de l’ouvrir et de le lire. Et à nouveau, sa fille, Anne, vit. La scène s’éclaire alors, et derrière une toile tendue qui finira par se lever, apparaissent les Frank et les Van Pels, confinés dans le petit appartement d’Amsterdam où ils sont cachés.

On retrouve dans la pièce, en plus du ton enjoué d’Anne Frank, cette naïveté caractéristique du style d’Eric-Emmanuel Schmitt, qui s’est chargé d’adapter le Journal pour la pièce. Aussi surprenant que cela puisse paraître (même si restent toujours à l’esprit le drame qui suivra et le destin de la famille Frank), le ton de la pièce est léger. Les tranches de vie auxquelles on assiste nous sont soufflées, avec délicatesse, un peu comme différents tableaux qu’on regarderait avec une émotion tranquille.
Un peu trop tranquille en fait. Le principal reproche que je ferais à cette mise en scène est sa trop grande naïveté. La famille de Anne reste effacée, et peine à être vraiment là, vibrante. Il me semble qu’il manque à la pièce une petite étincelle, un déclic, un je-ne-sais-quoi d’énergie ou de rythme. Du punch en somme ! L’ensemble est sage… et puis c’est déjà la fin.

Certainement, cet effacement léger est surtout dû au jeu des comédiens… qui luttent (à la nette exception de Charlotte Kady) pour exister aux côtés de Francis Huster. C’est surtout pour lui que je voulais découvrir ce spectacle. J’avais déjà eu l’occasion de le voir, puisque j’avais assisté à la trilogie de Marcel Pagnol, où il interprétait (sans l’accent marseillais !) le rôle de Panisse.

Francis Huster a une présence et une prestance indéniables (quelle voix !). Mais dans le rôle d’Otto Frank, il semblait presque en porte-à-faux. J’ai trouvé son jeu trop théâtral (il paraissait parfois peu touché par la mort de ses filles et de son épouse…), en tout cas trop écrasant par rapport aux autres comédiens. Son charisme théâtral d’un côté, et de l’autre le jeu sympathique des autres comédiens, leurs scènes plus légères… la pièce m’a paru déséquilibrée.

Juste un petit mot sur Roxane Duràn, qui interprète Anne Frank. Certains spectateurs lui ont reproché de ne pas parler assez fort, et c’est vrai que sa voix est plutôt fluette. Je reconnais aussi qu’elle aurait pu apporter plus de piquant à Anne. Mais j’ai été pleinement conquise par cette jeune comédienne, au physique atypique, expressive, lumineuse, impertinente, et gaie.
Du côté de la scénographie, l’environnement d’Anne Frank est très bien reconstitué. Les meubles, son carnet à carreaux rouges et blancs, les costumes, les couleurs, tout concourt à nous plonger dans les années 40. J’ai aimé aussi les projections plus modernes, sur la toile tendue, qui donnent à l’ensemble une belle esthétique.

La seule chose que je reprocherais à la mise en scène, c’est cette alternance un peu rapide des scènes où Otto est seul et celles des flash-back. Bien que chaque scène soit introduite par des morceaux musicaux variés, parfaitement appropriés, on a le sentiment que la pièce est hachée. La pauvre Alice Carel qui interprète Miep débite son texte trop vite, et Francis Huster n’a même pas le temps de s’exprimer que déjà, ce n’est plus son tour.

Je sais que j’ai beaucoup critiqué la pièce. Mais je vous encourage à aller la voir. Si la pièce souffre quelques faiblesses, elle a au moins su trouver le ton juste. Le Journal d’Anne Frank a le mérite d’être un spectacle sensible, intelligent, qui rappelle pourquoi le journal a marqué des générations entières. Il rappelle son humanité absolue.

2 commentaires:

  1. Une pièce qui doit faire réfléchir... pas facile à porter à la scène...
    Bonne soirée!

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    1. Merci pour votre commentaire. Oui, c'est difficile de porter un tel texte sur la scène, et je pense que globalement, c'était réussi, notamment grâce au bon travail d'adaptation d'Eric Emmanuel Schmitt. C'est par leur humanité que les personnages (les personnes) nous touchent.

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