« Ma foi, il n’est pas de
chose qui mérite moins que l’on se dispute pour elle. C’est une femme qui vous
oppose, qui vous bouleverse ? Une femme ! Que ne faut-il pas
entendre ? Il n’y a certes pas de danger que je me querelle jamais avec
quelqu’un à propos d’une femme ! Moi, Messieurs, je n’ai jamais aimé les
femmes, je ne les ai jamais estimées et je soutiens hautement que la femme est
pour l’homme une insupportable infirmité. »
Quand je suis sortie l'autre soir
de la Trilogie de la villégiature, je me suis dit qu'en aucun cas je ne pouvais
manquer cet autre Goldoni, mis en scène par Marc Paquien au théâtre de
l'Atelier. La pièce est délicieuse, et même si la mise en scène n'est pas bien
originale, je ne regrette pas d'avoir rendu visite à la Locandiera.
J'ai été frappée jeudi soir, à la fois de reconnaître le Goldoni de la Trilogie, son écriture, son esprit ; et de découvrir qu'on pouvait faire une lecture plus drôle et plus exubérante de l'auteur. La Locandiera est sans doute une pièce plus légère que la Trilogie de la villégiature, mais peut-être tout simplement peut-on avec Goldoni, entre la mélancolie et la comédie, placer le curseur plus vers l'une ou l'autre selon son humeur. Quel bonheur pour un metteur en scène !
La Locandiera fait sans aucun doute partie de ces très jolies pièces qui, pourvu qu’elles soient jouées avec finesse, entrain et sincérité, vous font chaud au cœur. Le public a beaucoup ri jeudi, simplement et joyeusement, et je suis sortie heureuse d’avoir passé un très bon moment, enchantée par le texte de Goldoni (qui n’est pas sans rappeler Marivaux).
La Locandiera fait sans aucun doute partie de ces très jolies pièces qui, pourvu qu’elles soient jouées avec finesse, entrain et sincérité, vous font chaud au cœur. Le public a beaucoup ri jeudi, simplement et joyeusement, et je suis sortie heureuse d’avoir passé un très bon moment, enchantée par le texte de Goldoni (qui n’est pas sans rappeler Marivaux).
Si la Locandiera est une
réussite, c’est surtout (presque exclusivement je dirais même), pour la qualité
de ses principaux interprètes, avec, loin devant les autres, Dominique Blanc,
pétillante, et joyeuse, qui porte la pièce à elle toute seule
avec une aisance, presque une désinvolture, admirable.
Je ne connaissais pas du tout
Dominique Blanc. Sans doute, j’ai bien dû la voir au détour d’un ou deux films,
et j’avais étudié en cours de français l’enregistrement de Phèdre, mis en scène
par Patrice Chéreau, dont elle interprétait le rôle éponyme (je crois
d’ailleurs que cela avait aussi été ma première rencontre avec Eric Ruf). Mais
alors, je n’avais pas retenu son nom. Je me souviens seulement qu’elle m’avait
très fortement impressionnée. Si je dois être tout à fait sincère, j’avais été
plus incrédule qu’admirative de voir combien un comédien pouvait à ce point
incarner un rôle.
Je sais que Dominique Blanc est une
immense tragédienne. Eh bien, ce que je peux dire, c’est qu’elle est aussi une
magnifique actrice de comédie ! J’ai beaucoup aimé son personnage. Dans
Mirandolina, j’ai retrouvé un peu du personnage de Giacinta de la Trilogie, que
j’adore, mais une Giacinta plus simple, un peu plus démonstrative, plus mure
aussi.
Mirandolina est une aubergiste ("locandiera" donc) énergique et malicieuse, un brin autoritaire et manipulatrice, un peu coquette aussi, mais diablement attachante. Elle est espiègle, drôle, brillante, intelligente, éprise de liberté. Je ne sais si c’est Dominique Blanc ou Goldoni, toujours est-il que Mirandolina m’a semblé éminemment sympathique ! La comédienne allie une énergie sautillante à une grâce et un charme adorables. Son enthousiasme et son naturel sont communicatifs, et chacune de ses apparitions est un régal.
André Marcon ne démérite pas non
plus. Il interprète avec une belle profondeur le Chevalier de Ripafratta, que
Mirandolina s’est mis en tête de séduire, de faire tomber, pour l’honneur des
femmes, mais aussi par orgueil et par amusement. André Marcon est parfait dans
le rôle de ce chevalier misogyne, qui a les femmes en horreur, et qui s’est
juré de ne jamais tomber amoureux. Bourru mais gentilhomme, détestable et drôle
à la fois, il forme un duo détonant avec Mirandolina.
Je ne m’attarderai pas sur le
reste de la troupe, qui m’a un peu moins séduite. Dans l’ensemble, les
comédiens sont justes, il n’y a pas le moindre temps mort, les comédiens
s’amusent autant que le public, et on sent vraiment qu’ils ont plaisir à jouer
tous ensemble, ce qui est formidable ! Mais je reprocherais à certains de
manquer un peu de nuances. Stanislas Stanic, notamment, m’a semblé bien
insignifiant dans le rôle de Fabrizio.
« Certes, je ressens en moi
un je ne sais quoi qui m’était jusqu’à présent inconnu, mais je ne veux pas
perdre la tête pour un homme, et surtout pour un homme qui hait les femmes et
qui, peut-être, désireux de m’éprouver pour ensuite mieux se moquer de moi,
essaie maintenant de me tenter par des propos inattendus. Allons, Monsieur le
Chevalier, encore un peu de bourgogne, s’il vous plaît ! »
Certains critiques ont noté la présence en filigrane de cette amertume, caractéristique de l’écriture de Goldoni. Pour ma part, je l’ai assez peu ressentie, ou tout au plus par brèves étincelles. C’est peut-être parce que cette douce mélancolie était beaucoup plus visible dans la Trilogie de la villégiature. Au contraire d’Alain Françon, Marc Paquien semble avoir choisi d’appuyer plutôt sur la comédie.
Certains critiques ont noté la présence en filigrane de cette amertume, caractéristique de l’écriture de Goldoni. Pour ma part, je l’ai assez peu ressentie, ou tout au plus par brèves étincelles. C’est peut-être parce que cette douce mélancolie était beaucoup plus visible dans la Trilogie de la villégiature. Au contraire d’Alain Françon, Marc Paquien semble avoir choisi d’appuyer plutôt sur la comédie.
Sans doute, il aurait été possible de jouer certains passages de la Locandiera de façon moins volontairement comique, plus désabusée (je pense notamment à la fin, à cette décision finale que prend Mirandolina, qui n’est pas sans rappeler le sacrifice que s’impose Giacinta, le choix presque féministe de s’écarter de l’amour pour conserver sa liberté, que Dominique Blanc joue avec un détachement presque joyeux). Mais je ne dis en aucun cas que c’était moins subtil, ou moins profond qu’à la Comédie française. C’était tout aussi fin, et nuancé, mais dans un registre que j’ai trouvé bien plus léger, plus virevoltant, plus mordant aussi. Et peut-être tout simplement plus italien !
Quant à la morale de l’histoire, si j’ai entendu un homme à côté de moi déclarer « j’ai trouvé cette pièce très instructive » (comprenez assez éclairante des tactiques des femmes, de leurs mensonges et de leur coquetterie !), il m’a paru que Goldoni était également assez moqueur envers ces hommes, si aisément séduits, et prêts à se jeter aux pieds de (presque) toutes les femmes… autant dire que chacun y trouvera son compte !
Quant à la morale de l’histoire, si j’ai entendu un homme à côté de moi déclarer « j’ai trouvé cette pièce très instructive » (comprenez assez éclairante des tactiques des femmes, de leurs mensonges et de leur coquetterie !), il m’a paru que Goldoni était également assez moqueur envers ces hommes, si aisément séduits, et prêts à se jeter aux pieds de (presque) toutes les femmes… autant dire que chacun y trouvera son compte !
La seule chose que je regrette,
c’est que la mise en scène soit si peu travaillée. On pourrait dire, comme j’ai
pu le lire, que la sobriété laisse toute sa place au texte. Mais plus que
sobres, les décors m’ont semblé ternes, sans éclat, complètement passe-partout
(à l’exception du tableau d’ouverture, très beau, qui rappellerait les toiles des peintres flamands). Il en est de même pour les costumes, à l’exception
bien-sûr de la robe lumineuse, d’un jaune éclatant, de Dominique Blanc.
Mais enfin, en dépit des quelques
réserves que je peux avoir, je vous conseille vivement d’aller voir la
Locandiera au théâtre de l’Atelier. C’est un spectacle savoureux, aérien,
sautillant, joyeux, devant lequel vous ne pourrez passer qu’un excellent
moment !
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